Né à Paris en 1936, Jean-Jacques Lebel fit très tôt, à New York, trois rencontres décisives : Billie Holiday, Marcel Duchamp et André Breton. Il publia sa première revue d’art, de poésie et de politique, Front unique, à Florence, où eu lieu en 1955 sa première exposition à la Galleria Numero. Après un passage turbulent mais décisif chez les Surréalistes, il exposa à Milan chez Arturo Schwarz, à Paris chez Iris Clert et chez Simone Collinet, puis dans de nombreux musées et galeries à travers le monde.
Il fut l’auteur, en 1960, à Venise, de L’Enterrement de “la Chose” de Tinguely, le premier happening européen. Il publia sur le mouvement des happenings le premier essai critique en français (ed. Denoël, 1966) et produisit plus de soixante-dix happenings, performances et actions, sur plusieurs continents, parallèlement à ses activités picturales, poétiques et politiques. Il travailla à Paris, Londres, New York ou ailleurs avec Claes Oldenburg, Allan Kaprow, Tetsumi Kudo, Erró, Carolee Schneemann, Yoko Ono, Daniel Pommereulle, Nam June Paik, Robert Filliou, etc.

En 1966, il traduisit en français et publia ses amis William Burroughs, Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, Michael McClure, Diane di Prima, Bob Kaufman, Jack Kerouac, Philip Lamantia dans La Poésie de la Beat Generation (éd. Denoël, 1966) qui fera date.
En 1960 et 1961, il organisa avec Alain Jouffroy l’Anti-Procès
à Paris, Venise et Milan, une manifestation et une exposition
internationales itinérantes regroupant une soixantaine d’artistes,
prenant position contre la guerre d’Algérie et contre la torture. Il
prit l’initiative du Grand Tableau Antifasciste Collectif peint par Baj, Dova, Crippa, Erró, Lebel et Recalcati, puis exposé à l’Anti-Procès de Milan, en 1961.
Après être resté séquestré pendant vingt-quatre ans par la Questura de
Milan, ce tableau fut retrouvé, restitué aux artistes et enfin exposé à
l’Hôtel national des Invalides en 1992 (La France en guerre d’Algérie), au Musée National d’Art Moderne / Centre Georges Pompidou en 1996 dans le cadre de la manifestation L’artiste face à l’Histoire,
et dans six musées européens, le dernier en date étant le musée d’art
moderne et contemporain de Strasbourg en 2000. En 2008, il a figuré dans
la grande exposition du Musée national d’art moderne et contemporain
d’Alger, Les artistes internationaux et la Révolution Algérienne. Le tableau est actuellement domicilié au Musée des Beaux-Arts de Caen.

Jean-Jacques Lebel inventa, en 1964, le Festival de la Libre Expression puis, en 1979, le Festival international de poésie Polyphonix qui s’ouvrirent à des centaines d’artistes, de poètes, de cinéastes et de musiciens de dizaines de pays. Ces manifestations, nomades et autonomes, ont présenté de la poésie directe, des concerts, de l’art-action, des expositions, des projections de films ou vidéos. En 2002, la quarantième édition de Polyphonix a fait l’objet d’une importante anthologie coéditée par le Centre Pompidou et les éditions Léo Scheer, accompagnée d’un CD. L’édition 2009 de Polyphonix a eu lieu dans le cadre du Festival d’Automne, au “104” à Paris. Deux soirées d’hommage à Bernard Heidsieck ont été organisées par Polyphonix : au Palais de Tokyo le 17 novembre 2011 et au Centre Pompidou le 16 septembre 2015.
En 1967, Jean-Jacques Lebel mit en scène Le Désir attrapé par la queue, la pièce de Picasso, avec Taylor Mead, Rita Renoir, Ultra Violet et le groupe de rock anglais The Soft Machine.

En 1968, il prit part aux activités du «Mouvement du 22 mars», puis du groupe anarchiste «Noir et Rouge», et à «Informations et correspondances ouvrières». Il suivit l’enseignement du philosophe Gilles Deleuze à la faculté de Vincennes et à la faculté de Saint-Denis. Il produisit des émissions à France Culture consacrées à Allen Ginsberg, Pierre Clastres, le Comité d’action LIP, Linton Kwesi Johnson, John Giorno, Jayne Cortez, Bernard Heidsieck et de nombreux autres sujets d’actualité culturelle et politique. Dans les années 1970, il dirigea avec Daniel Guérin, aux éditions Pierre Belfond à Paris, la collection «Changer la vie !» qui réédite plusieurs grands textes historiques du mouvement anarchiste international.
Dès 1988, au retour d’un long exil méditatif, Jean-Jacques Lebel
recommença à exposer publiquement son propre travail pictural dans des
galeries et musées, en Europe, aux USA et au Japon. En 1992, le
Kjarvalsstadir (musée d’art moderne) de Reykjavik lui a consacré une
grande exposition. Son Monument à Félix Guattari – une machine
multimédia motorisée tournoyante de huit mètres de haut où sont
intervenus une soixantaine de performeurs – fut présentée en 1994 et
1995 au Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou dans le cadre de
l’exposition Hors limites. L’Art et la Vie 1952-1994.
Plusieurs maquettes électrifiées de ce monument furent présentées en mai
1996 à la galerie de Paris et à la galerie 1900-2000, et en août à la
Galleria Franca Mancini de Pesaro à l’occasion d’une exposition
intitulée Rue Rossini. Une version légèrement modifiée fut présentée dans son exposition Soulèvements I à La maison rouge en 2009.
En 1998, une grande exposition itinérante présentant une centaine de ses
œuvres, datées de 1951 à 1999, débuta au Museum moderner Kunst, 20er
Haus et au Kriminalmuseum de Vienne. Elle voyagea ensuite au musée
Ludwig de Budapest et à la Galerie der Stadt de Kornwestheim, à la
Kunsthaus de Hambourg et à la Fondation Morra de Naples en 1999, à la
Fondation Mudima de Milan et à la Haus am Waldsee de Berlin en 2000.
Elle termina son périple à la Villa Tamaris de la Seyne-sur-Mer en 2002.
Sa manifestation itinérante – l’installation polymorphique et évolutive, Reliquaire pour un culte de Vénus ,
commencée à Vienne en 1998 au Musée Zwanziger Haus, composée de plus
de trois mille éléments collectés à travers l’Europe – s’est déroulée en
2001 et 2002 au FRAC de Basse-Normandie à Caen, au Casino de
Luxembourg, au Crédac d’Ivry-sur-Seine, à la villa Tamaris (accompagnée,
à cette occasion, d’une soixantaine d’œuvres de types variés) et à
l’Institut français de Barcelone en 2003. La galerie Louis Carré &
Cie a présenté une 14ème version inédite en 2004. D’autres versions ont
été présentées au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne et au ZKM de
Karlsruhe en 2012 et 2014. En tout cette installation protéiforme a été
exposée dans plus de vingt- trois musées, centres d’art, galeries ou
lieux alternatifs en Europe.
En 2000, Jean-Hubert Martin, alors directeur du Museum Kunst Palast de
Düsseldorf, commanda à Jean-Jacques Lebel un dispositif sonore in situ
détournant de son sens premier une sculpture en pierre d’Arno Breker, Aurora
– trônant encore sur le toit du musée – et deux nus féminins en bronze
de Gottschalk, montant la garde devant l’entrée. Exemples du plus
classique kitsch pré-nazi jouissant du statut de « monument national »,
il a fallu, littéralement, « changer le discours » de ces répugnantes
icônes et en faire des statues loquaces afin de les « remettre à
l’endroit » avec du bel canto dadaïsé.
La galerie 1900-2000 lui a consacré une exposition personnelle à la FIAC
en 2001. En novembre 2003 a eu lieu la première exposition personnelle
de Jean-Jacques Lebel à Londres, à la Mayor Gallery.
De 2003 à 2006 s’est déroulée à Hambourg, puis à Leverkusen, Leipzig et
Graz, une grande manifestation collective produite par Harald
Falckenberg – PhœnixArt 2003 – rassemblant quatre amis,
quatre protagonistes du mouvement des happenings dans les années 1960,
quatre plasticiens / cinéastes / poètes : Öyvind Fahlström, Erró, Addi
Köpcke et Jean-Jacques Lebel.
En 2007, Jean-Jacques Lebel termina, après sept années de travail, une
oeuvre numérique qui est une vidéo-installation pour quatre écrans
transparents disposés en cube ouvert, Les Avatars de Vénus. Les
premières de la version cinématographique linéaire, éditée et
distribuée en DVD par Re:Voir, eurent lieu au Centre Pompidou et au ZKM
de Karlsruhe en 2008. Cette vidéo-installation fut présentée en 2009 à
La maison rouge, Fondation Antoine de Galbert dans l’exposition Soulèvements I.
Deux autres expositions ont eu lieu à Paris durant la même période : à
la galerie 1900-2000 et à la galerie Christophe Gaillard.
En 2012, la galerie Louis Carré & Cie a présenté Jean-Jacques Lebel. Recycler, détourner , un panorama d’assemblages et de collages de 1962 à 1995, avec notamment des œuvres des séries Christine Keeler Tabloïd et Ya bon, Banania !
Le Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne lui a consacré une rétrospective en 2012 : Jean-Jacques Lebel. Peintures, collages, assemblages – 1955-2012 (Commissaire : Lórànd Hegyi). Une importante rétrospective a eu lieu au MAMCO de Genève en 2013 : Soulèvements II, Cycle L’Éternel Détour (Commissaire : Christian Bernard) ; puis au ZKM, Zentrum für Kunst und Medientechnologie de Karlsruhe en 2014 : Jean-Jacques Lebel, Soulèvements III. Il n’est d’art qu’insurrectionnel (Commissaire : Bernhard Serexhe).
Outre de nombreuses expositions personnelles, il participa à d’importantes expositions collectives, dont : Ubi Fluxus. Ibi Motus (Biennale de Venise, 1990), Hors Limites. L’Art et la Vie, 1952-1994 (MNAM, Paris, 1994), Fémininmasculin (MNAM, Paris, 1995), L’Artiste face à l’Histoire (MNAM, Paris, 1997), Out of Actions (MOCA, Los Angeles, 1998), Paris, capital of the arts (Royal Academy of Arts, Londres ; Guggenheim Museum, Bilbao, 2002) ; Un Théâtre sans théâtre (MACBA, Barcelone, 2007) ; Traces du sacré (MNAM, Paris, 2008), 3e Biennale de Moscou (2009), 1917 (Centre Pompidou-Metz, 2013), Les Désastres de la Guerre (Louvre-Lens, 2014), etc.

Jean-Jacques Lebel a publié divers ouvrages : La Poésie de la Beat Generation, (anthologie, textes traduits de l’américain et présentés par Jean-Jacques Lebel), Paris, éditions Denoël, 1965 ; Le Happening, Paris, éditions Denoël, coll. « Les Lettres nouvelles », 1966 ; Lettre ouverte au regardeur, Paris, éditions The English Bookshop, 1966 ; Teatro y Revolucion, Caracas, éditions Monte Avila, 1967 ; Entretiens avec le Living Theatre, Paris, éditions P.Belfond, 1968 ; La Chienlit. Dokumente zur Französischen Mai-Revolt, Darmstadt, Joseph Melzer Verlag, 1969 ; L’Am(o)ur et l’Argent, Paris, éditions Stock, 1979 ; Poésie directe. Des happenings à « Polyphonix », avec Arnaud Labelle-Rojoux, Paris, éditions Opus International, 1994 ; Grand Tableau Antifasciste Collectif, Paris, éditions Dagorno, 2000 ; À pied, à cheval et en Spoutnik, recueil de textes sur l’art sous la direction de Didier Semin, (préface de Didier Semin), Paris, ENSBA, 2009 ; Happenings de Jean-Jacques Lebel ou l’insoumission radicale, avec Androula Michaël, Paris, éditions Hazan, 2009 ; Angeli (Fac-similé d’un carnet de dessins), Liège, éditions Yellow Now, 2009 ; Interdit au-delà, (édition en français et édition en allemand), Cologne, éd. W.Koenig, 2014 ; Epopée d’un tableau de Erró kidnappé pendant cinquante-deux ans, La Bussière, éditions Acratie, 2014 (édition bilingue illustrée).


Jean-Jacques Lebel a organisé ou co-organisé, par ailleurs, un
certain nombre d’expositions collectives, individuelles ou thématiques
dont L’Anti-Procès I, II, III (Paris, Venise, Milan, 1960-1961) ; Pour en finir avec l’esprit de catastrophe (Paris, 1962) ; Polyphonix (Paris, 1982) ; Les Scapes de Erró (à l’ARC, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1985) ; Désir / Désordre (The Gallery, Milan, 1990) ; Victor Hugo, peintre (Musée d’Art Moderne de Venise, 1993) ; Picabia, Dalmau 1922
(à l’ IVAM de Valence en 1995, à la Fondation Tapiès de Barcelone et au
Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou, en 1996) ; Cent Cadavres Exquis, Juegos Surrealistas (Fundación Collección Thyssen-Bornemisza, Madrid, 1996-1997) ; Jardin d’Éros (Barcelone, 1999 et Bergen, 2000) ; Du chaos dans le pinceau
avec Marie-Laure Prévost, une présentation innovante de l’œuvre
plastique de Victor Hugo coproduite par la Bibliothèque nationale de
France (Thyssen-Bornemisza, Madrid et Maison de Victor Hugo à Paris,
2000), Picasso érotique (Musée des Beaux-Arts de Montréal,
2001), En 2005 et 2006, le Museum Kunst Palast de Düsseldorf et le
Padiglione d’Arte Contemporanea de Milan ont présenté Le labyrinthe Artaud ,
un montrage polytechnique innovant co-organisé par Dominique Païni et
Jean-Jacques Lebel, pour laquelle il a conçu une installation,
reconstitution exacte de la salle des électrochocs de l’hôpital
psychiatrique de Rodez où Antonin Artaud a subi entre 1943 et 1946
cinquante et une séances d’électrochocs à très haute intensité.
En 2008, à l’abbaye d’Ardenne de Caen, l’IMEC produisit l’exposition L’un pour l’autre. Les écrivains dessinent (commissariat Jean-Jacques Lebel), présentée ensuite au Musée Berardo de Lisbonne et au Musée d’Ixelles à Bruxelles.
En 2013, Jean-Jacques Lebel a organisé l’exposition Beat Generation / Allen Ginsberg
(Centre Pompidou-Metz ; Le Fresnoy, Tourcoing ; ZKM, Karlsruhe ; Champs
Libres, Rennes ; prolongement au Musée d’Art Moderne de Budapest en
2014). En 2016, Jean-Jacques Lebel est co-commissaire d’une importante
exposition rétrospective prolongeant les précédentes consacrée à la Beat Generation (Musée National d’Art Moderne/Centre Georges Pompidou, Paris). Cette manifestation continuera au ZKM de Karlsruhe en 2017.
Des œuvres de Jean-Jacques Lebel figurent dans de nombreux musées
parmi lesquels le Musée National d’Art Moderne / Centre Pompidou, le
Musée d’art moderne de la Ville de Paris, la Galleria Nazionale d’Arte
Moderna de Rome, le Ludwig Múzeum de Budapest, le Musée d’Israël de
Jérusalem (collection Arturo Schwarz), le Museo Vostell de Malpartida,
le Museu Colecção Berardo à Lisbonne (Portugal), le Musée d’Art
Contemporain de Barcelone (MACBA), le Museum Kunst Palast de Düsseldorf,
le Musée de Graz, le Musée des Beaux-Arts de Montréal, The N.Y.U. Grey
Art Gallery (New York), le Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun, le
Musée d’Art Moderne d’Alger, le Musée des Beaux-Arts de Nantes, etc. …
Plusieurs films ont été consacrés à son œuvre plastique et/ou ses actions, parmi lesquels, Le Cow-boy et l’Indien, d’Alain Fleischer (1994), Le Monument à Félix Guattari (avec de très nombreux participants), de François Pain (1995),Trois Happenings de Jean-Jacques Lebel, de Christian Bahier (2001), Les Avatars de Vénus, de Danielle Schirman (2010).
Une exposition protéiforme et rhizomique du travail de Jean-Jacques Lebel est en préparation à Paris pour février 2018 au Musée National d’Art Moderne/Centre Pompidou et au Palais de Tokyo.